Avis sur le livre : Les portraits de Laura Bloom
S’appeler Laura Bloom dans un roman d’amour n’est pas nécessairement un sésame du bonheur : lorsque Laura apparaît une première fois dans la vie du photographe Emmanuel Lorne, ce dernier l’écoute en fixant sa main aux ongles coupés court puis la masse de ses cheveux sauvages, et le lecteur soupçonne déjà qu’un destin cruel attend la jeune femme. Les ongles et les cheveux sont pérennes, mais l’amour est voué à l’éphémère : le photographe qu’est Lorne le sait bien, lui qui veut saisir l’instant sans jamais parvenir à le mettre aux arrêts. Sans doute cet obscur désir d’empêcher l’inéluctable explique-t-il l’amitié fascinée qu’il entretient avec un vieux monsieur qui fut taxidermiste… Placé sous le signe de Maurice Blanchot, le sixième roman de Philippe Renonçay s’aventure aux confins du vivant et de sa figuration. Jouant avec les codes de l’enquête, il aborde un tabou de la représentation humaine avec une belle élégance qui peut, certaines pages, paraître un peu engoncée dans une haute idée de la littérature qui lui préexiste.
Bertrand Leclair, Le Monde des Livres