Avis sur le livre : Elmet
Elmet fut l’ultime royaume celte indépendant d’Angleterre. Jusqu’au VIIe siècle, il constituait un sanctuaire pour ceux qui souhaitaient échapper à la loi. C’est en ces terres, devenues Yorkshire et célébrées dans Les Hauts de Hurlevent et les poèmes de Ted Hughes, que la Britannique Fiona Mozley situe Elmet, son premier roman. Là, et de nos jours, John Smythe, un géant de 2 mètres invaincu en combat de boxe à mains nues, a bâti une maison en briques et rondins. Au cœur d’une forêt de frênes qui les met à couvert de la curiosité, il y mène une existence paisible avec ses deux enfants, Cathy, 15 ans, et Danny, un de moins, le narrateur de ce roman noir. « C’était la raison pour laquelle papa nous avait emmenés jusqu’ici : il voulait nous garder à l’écart, nous garder en nous-mêmes, nous protéger du monde. Nous donner une chance, disait-il, de vivre notre propre vie », sans être asservis à quiconque. Ils tirent à l’arc, se chauffent au bois de coupe, posent des collets à lapin, décorent un sapin en pleine terre pour Noël. Les adolescents, déscolarisés depuis peu, jouent de la musique, cultivent le potager ou s’affairent au poulailler. Avec une sensibilité étayée par le soin qu’elle accorde aux détails, la romancière transcrit leur routine frugale, la tendresse silencieuse qui les unit, en marge de la société comme de la modernité.
Macha Séry, Le Monde