Couverture du livre : Raymond Mauriac, frère de l'autre

Avis sur le livre : Raymond Mauriac, frère de l'autre

« Mon frère aîné vient de mourir, Raymond, qui avait fait à Bordeaux une carrière d’avoué. Mais le roman l’avait tenté lui aussi. » La nécrologie est courte. Dans son Bloc-notes, en juillet 1960, François Mauriac expédie en deux lignes la vie de ce frère qui vient de disparaître à l’âge de 80 ans. Qu’y aurait-il à dire de ce juriste, auteur d’une thèse de doctorat sur la petite propriété rurale, et qui reprit, époux et père de famille, l’étude d’avoué de son oncle ? L’universitaire et écrivain Patrick Rödel vient aujourd’hui le sortir de l’ombre. Son Raymond Mauriac, frère de l’autre, fruit de ses recherches dans les archives familiales, livre un portrait de cet aîné contraint par la volonté maternelle à « faire son droit » et à se détacher d’une profonde vocation littéraire. Il attend l’âge de 54 ans pour publier un premier roman, que Le Festin réédite, conjointement à la biographie (144 p., 15 €) : Individu, paru en 1934 chez Grasset. Amour de l’amour sort deux ans plus tard, toujours chez Grasset. L’aventure s’arrête là. L’éditeur ne retient pas Comme un poisson dans l’eau, le manuscrit qu’il propose après-guerre. Il sera aussi refusé ailleurs. L’histoire est amère. Elle mêle les grandes espérances aux contraintes, aux renoncements. Adolescent exalté par la poésie d’Alfred de Vigny, fils soumis, silencieux rebelle, juriste écrasé d’ennui, écrivain clandestin, vieil homme las : Patrick Rödel rend à Raymond Mauriac sa vérité. Et son talent singulier.

Xavier Houssin, Le Monde