Avis sur le livre : Ghachar Ghochar
Ils vont bientôt emménager dans un quartier prisé de Bangalore, dans le sud de l’Inde. Ils sont devenus riches, très riches, grâce à l’entreprise fondée par l’oncle Chikkappa. Le père n’a plus besoin de travailler. Ses enfants non plus. C’est le cas du narrateur. Directeur de la firme, déchargé de toute tâche car incompétent, il touche un gros salaire à ne rien faire et passe ses journées dans un café. Quand le roman s’ouvre, il y est attablé, inquiet. On devine qu’une catastrophe s’est produite. Mais pour l’heure, il songe au chaos que l’opulence a créé dans sa famille. Avec sa prose brève et symbolique, Vivek Shanbhag, romancier indien traduit pour la première fois en France, a été comparé à Tchekhov. Mais l’intrigue évoque aussi le Mahabharata, qui se referme sur une nouvelle ère désertée par les valeurs nobles et la morale. Les personnages sont les victimes d’un dérèglement. L’argent les a précipités dans un état d’aliénation. Le mariage de Malata, mélange de coutumes et de luxe ostentatoire, en est la frappante manifestation, qui montre avec quelle finesse Shanbhag sonde les liens familiaux dans ce qu’ils ont de mystérieux et d’irrévocable.
Gladys Marivat, Le Monde