Souvenirs d'un Voyage en Perse
« Il y a des pays où la vie est tout extérieure, et où le voyageur peut s’en rapporter à ses premières impressions pour porter, sur les populations au milieu desquelles il a séjourné, un jugement définitif. Il en est d’autres, au contraire, qui ne se laissent que difficilement pénétrer. La Perse est de ce nombre. Pour y saisir le caractère national dans sa pleine indépendance, ce n’est pas la vie publique qu’il faut interroger. Les cérémonies officielles, les fêtes populaires ou religieuses, la magnificence des palais, la majesté des ruines, vous y laissent tour à tour charmé ou surpris, mais trop disposé peut-être à n’admirer que la Perse ancienne, et à méconnaître, sous l’impression des gloires du passé, l’intérêt qui s’attache encore aux modestes efforts du présent. C’est à ce double sentiment d’enthousiasme et de tristesse qu’il faut savoir résister quand on veut se rendre compte des germes de prospérité que recèle encore l’empire des Kadjars. Si l’esprit national sommeille aujourd’hui en Perse, c’est qu’il lui manque un aliment, un théâtre d’activité. Après avoir brillé tour à tour dans les arts ou dans la guerre, le génie persan, privé des puissants mobiles auxquels il obéissait autrefois, en est à chercher sa voie ; C’est dans la vie commerciale et industrielle qu’il lui serait peut-être donné de se retremper, si une main habile savait le ramener sur ce terrain trop négligé...»