La Grimace
Voilà cinq années que le narrateur, Hans Schnier, fils d'industriel rhénan, voyage d'une ville à une autre, passe d'un hôtel à un autre, d'une gare à une autre. Il est clown. Un clown qui a eu sa part de succès, atteint de mélancolie et de maux de tête. Et seul, depuis que Marie est partie se marier, nostalgique de cet "air catholique" que l'on respire dans la bonne société. Les maux de tête ont alors empiré.
Il existe un remède temporairement valable : l'alcool, il existerait un remède durable : Marie. Mais Marie m'a quitté. Tout clown qui se met à boire dégringole plus vite encore qu'un couvreur saoul de son toit.
Les catholiques l'agacent, les protestants le rendent malade avec l'étalage de leurs éternels problèmes de conscience, les athées l'ennuient parce qu'ils ne parlent que du bon Dieu. En même temps que sa déchéance s'affirme de plus en plus irréversible, Hans, fier de son statut de saltimbanque, clown désespéré, dresse un procès sans concession à la bourgeoisie catholique cultivée de l'"ère Adenauer".
Récompensé par le prix Nobel de littérature en 1972, Heinrich Böll règle ici ses comptes avec une "bonne société" dont il n'a jamais accepté les compromissions, celle-là même qui a permis le triomphe de la démocratie chrétienne et perpétré le "miracle" économique allemand. --Céline Darner