La fin d'un monde : Juin 1940
Le Grand Café de Bordeaux, en face de la Comédie, était l'endroit où se réunissaient les réfugiés de la capitale. Ses colonnes, ses guirlandes, ses glaces, ses plafonds où gambadait un Olympe pour Offenbach, parlaient de bonheur et de gourmandise, et l'on imagine difficilement un trait d'ironie plus cruelle que de situer sur une scène légère et banale comme l'était ce grand café de province une des plus terribles crises d'angoisse que la France ait jamais souffertes. Il suffisait de jeter les yeux autour de soi et d'écouter les propos qui couraient de table en table pour comprendre que la société que nous avions connue agonisait misérablement sur ces banquettes lie-de-vin.»
Le 17 juin 1940, Julien Green arrive à Bordeaux où le gouvernement français est installé depuis quarante-huit heures. Dans quelques jours, l'armée allemande, bien secondée par l'ambition de quelques-uns et l'avachissement de milliers d'autres, aura raison d'un pays miné par la peur. Voici le récit inédit de ces choses vues, écrit en juin et juillet 1940.