Théâtre d'ombres. Journal (1997)
J'ai tellement vécu dans les livres, j'y crois si fort, que les choses ne deviennent réelles à mes yeux qu'une fois nommées, mises en phrases.L'année 1997 avait bien besoin de cette preuve par Gutenberg. Tout y semblait si virtuel, sautillant, improbable, «zappé», «morphé», sorti du «web».
Y a-t-il eu vraiment dissolution de l'Assemblée, visite du pape, mort de princesse, krach boursier, procès Papon, guerre persique ? On l'a prétendu un soir, deux soirs, puis rien, le grand vent d'avant l'oubli.
Mes souvenirs d'écrivain, de reporter, de chroniqueur, d'académicien, m'ont servi de repères dans un présent incertain comme un théâtre d'ombres, tout en manigances de communication, où les idées mêmes, les doutes font partie de l'air du temps, un drôle d'air.
C'est la première fois que je tiens un Journal. J'ignorais le plaisir que c'est, et à quel point n'existe que ce qui se raconte.