Le Passeur de temps. Modernité et nostalgie
L'éternel s'oppose au temporel comme l'être à l'apparaître et la vérité à la fiction. La conscience moderne rompt avec ces oppositions métaphysiques en cessant de souffrir du temps : elle est conscience du passage et du passager, ouverte au temps qui la traverse. La philosophie renoue avec Aristote, premier penseur moderne, parce qu'il a coupé les ponts avec l'éternité. L'être est pour nous événement : il passe parce qu'il arrive. Dans son livre, Sylviane Agacinski propose une éthique de l'éphémère d'autant plus soucieuse de responsabilité qu'elle est privée de fondements absolus ou de finalité ultime. On est toujours aveuglément moderne. Les techniques d'enregistrement et de télécommunication modifient désormais l'expérience du temps et celle de la mémoire : avec la photographie et le cinéma, notre époque est celle des fantômes. Non seulement les êtres passent, mais ils peuvent revenir, ce qui induit une autre conception de l'histoire et un nouveau rapport à l'anachronisme. Avec la temporalité médiatique, qui se mondialise, se pose la question des rythmes de la vie sociale et politique. Sans succomber à la nostalgie des formes anciennes, la démocratie doit se redéfinir en tenant compte des médias et non contre eux, même si elle doit faire valoir son droit à la patience.