Un amant naïf et sentimental

Auteur : John Le Carré
Editeur : Seuil

Un amant naïf et sentimental est un météore singulier dans le parcours de John le Carré. Alors qu'il signait des romans d’espionnage très documentés, il invente une machine à remonter le temps, une rêverie sur nos enfances perdues, une fantaisie sur le mode mineur et cocasse, une parabole sur l’amour et son contraire.
En 1971, on est en pleine guerre du Vietnam ; au Royaume de sa Majesté, la décolonisation fait rage, la Guerre Froide occupe les esprits, le souffle de libération des années soixante a été suivi d'une certaine agitation sociale. Cependant, Cassidy, un alter ego moins sagace de Smiley, et de l’auteur sans doute, entreprend de s’inventer une généalogie.
Prêt à remonter jusqu’à Cromwell, excusez du peu, il visite le manoir de Haverdown, dans le Somerset, afin d’en "faire" la demeure de ses ancêtres. Il y trouve un couple de squatters artistes et bohêmes qui font brûler de l’acajou pour se chauffer et qui se sont eux aussi inventé une enfance passée dans les lieux : Shamus, homme-orchestre sans tabous ni principes, écrivain à succès qui se fait passer pour mort depuis des années, prophète obnubilé par l’Ancien Testament, et Helen, l’éternel féminin, Eve, Hélène de Troie et Venus à la fois, qu’il entrevoit nue.
Cassidy oublie alors sa réussite professionnelle – cet adolescent attardé a fait fortune dans les landaus – et sa famille idéale, son fils à Eton, son épouse pieuse et pudibonde, pour emboîter le pas aux deux énergumènes. De Londres à Paris, en passant par tous les pubs des environs de Haverdown, le champagne, qu’ils appellent "shampooing", coule à flots, les dialogues hilarants et imbibés s’enchaînent pour le plus grand plaisir du lecteur. Cassidy est séduit par Shamus, puis par Helen. De fiascos en prouesses sexuelles, Cassidy n’a pas fini de s’encanailler : il séduit sa secrétaire, puis la meilleure amie de sa femme, il remet enfin sa belle-mère à sa place et scandalise la bonne société, son psychanalyste, Elderman, en tête. Il en profite également pour se libérer de l’emprise de son père, ce vieux salaud qui lui soutire de l'argent tous les mois tout en lui expliquant qu’il n’est qu’un raté (un personnage récurrent chez le Carré).
Au-delà de la satire sociale à la Waugh, qui expose les rouages déglingués de la conscience de classe britannique, on trouve ici une réflexion sur la nature de l’amour, dont Shamus cherche la formule comme les alchimistes cherchaient celle de l’or. Tout cela nous emmène sur les pentes enneigées de l’Angelhorn, en Suisse, où on assiste à un mariage parodique, à des serments cocasses et à une séparation tragique, puis tout rentre dans un ordre approximatif.

22,80 €
Parution : Octobre 2003
480 pages
ISBN : 978-2-0204-7244-9
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