Jeanne et les Siens
Quand un historien se penche sur l'histoire de sa famille, il a des surprises. Car c'est une chose que d'être un spécialiste des XIX et XXe siècles, des dates, des faits, des statistiques et autre chose que de voir les siens payer leur tribut à la mortalité infantile, à la guerre, à la tuberculose ou au déclassement. C'est déconcertant de confronter ses souvenirs aux événements ou au journal intime de son frère et de se rendre compte que la vie était si peu rigolote à Arcueil que l'exode a pu y passer pour une drôle d'aventure. C'est inattendu pour quelqu'un qui se plaisait à l'idée d'être "sans racine, sans lest, sans ascendance, sans héritage", de s'apercevoir qu'on peut remonter la lignée paternelle jusqu'en 1650 et que depuis tous les hommes de cette branche sont nés et morts à Saint-Omer. Châtelains ? Non, Maraîchers. C'est salubre de se souvenir que si on est un émérite professeur d'histoire, un auteur à succès, on le doit plus à l'opiniâtreté d'une fratrie qu'à l'ambition d'un père contrôleur d'autobus et d'une mère épicière.