Les Portes du sang
Les Portes du sang constitue le deuxième volet d'un triptyque romanesque inauguré par Les étoiles froides (Stock, 2001). Avec un recul de cinquante ans, Elisa Toldo (relayée, après sa mort, par sa nièce Angelina) y poursuit sa tentative de réunir tous les témoignages - à charge ou à décharge - sur Clara del Monte, le personnage central, femme énigmatique, scandaleuse, flamboyante et perverse.
Avec son plus jeune fils, Javier, surnommé Tchoun-tchoun et qui deviendra un pianiste célèbre sous le nom de Xavier Montel, Clara a été contrainte de fuir l'Espagne après la victoire des franquistes. Elle se retrouve en France avec Tchoun-tchoun qui a alors six ans, accueillie froidement par Georges Franton, le père de l'enfant, cette France qui, à son tour, se prépare à la guerre. Ainsi, de 1939 à 1942, Clara et son fils vont connaître les tourments des exilés : séjour à Vichy, internement dans le camp de Rieucros (Lozère), maladies, pérégrinations entre Montpellier, Marseille et enfin Paris.
Selon tous les témoins de l'époque, Clara a perdu son aura, son pouvoir de conduire sa vie à sa guise. La voilà contrainte, pour survivre, d'user d'expédients, quémandant une aide, mentant avec le même aplomb qu'au temps de sa splendeur, se lançant dans de mystérieuses intrigues, se croyant encore capable de manipulations alors que c'est elle qui est ballottée au gré de forces qu'elle ne contrôle plus.
Mais s'il ne s'agissait que d'elle ! Or, il y a l'enfant, Tchoun-tchoun, qui va comme il le pourra, tenter de suivre cette mère qu'il adore même quand elle le rudoie ou l'éloigne d'elle, sans qu'il y comprenne rien, lui laissant pour seule consolation son piano et ses lectures.
Tel est le véritable thème et l'enjeu de ce roman : élucider la nature des relations entre Clara et ce fils qu'elle aime, sans doute, mais qui l'encombre. Car il empêche la femme triomphante décrite dans Les étoiles froides et désormais déchue de retrouver son pouvoir, les succès, la fortune.
Comment expliquer cette étrange passion entre la mère et l'enfant, où se mêlent amour, colère, attirance et rejet ? Tout au long de ce roman, Xavier (au contraire d'autres témoins sollicités par Elisa) se révèle incapable de relater exactement ce qui lui est arrivé - cette histoire "probable, trouée d'incertitudes." Et c'est ce mystère indéchiffrable, malgré la ténacité de l'adulte cherchant à comprendre l'enfant qu'il fut et la mère qu'il eut alors, c'est ce mystère qui donne au roman sa force dramatique. Et sa charge d'émotion.
Le refus revendiqué et assumé de toute analyse psychologique et de tout jugement laisse au romancier une seule voie. Michel del Castillo s'en explique dans une préface qui constitue une sorte d' "ouverture" (et sans doute une "clé" de lecture). Il y écrit : "L'art n'est pas moral, non plus immoral… Il se contente de montrer ce désordre terrible en suscitant notre pitié. Il nous rend fraternels par l'exploration de nos propres abîmes."
Clara del Monte et Tchoun-Tchoun son fils de six ans ont fui le franquisme pour arriver dans une France qui se prépare à son tour à la guerre. Ils vont alors connaître les angoisses des exilés. Cinquante ans plus tard, Elisa Toldo, une amie de Tchoun-Tchoun devenu le célèbre pianiste Xavier Montel, mène l'enquête sur Clara et leur relation mère-fils.