Le Palais des miroirs
Débutant en 1885 avec la conquête de Mandalay par les Britanniques, s'achevant en 1996 avec Aung San Suu Kyi, symbole de la résistance démocratique, Le Palais des Miroirs se déroule essentiellement en Birmanie, Inde et Malaisie, et baigne dans l'histoire de l'Asie du Sud-Est - renforcement de l'Empire britannique, allées et venues des immigrés indiens, invasion japonaise de 1941 provoquant leur exode massif, lutte pour l'indépendance de l'Inde et déclin irrésistible de la Birmanie jadis "pays doré".
Mais Le Palais de Miroirs est surtout une riche et prodigieuse saga qui relate les heurs et malheurs d'une famille "élargie" ou plutôt de deux familles - l'une indienne et l'autre indo-birmane - dont les destins s'imbriquent étroitement.
Le point de départ : Rajkumar et Dolly. En 1885, Rajkumar, un orphelin bengali de 11 ans assiste à la prise de Mandalay par les Britanniques, au pillage du Palais des Miroirs, et au départ en exil des derniers souverains birmans. Il entrevoit alors, dans la suite royale, une ravissante fillette de 10 ans, Dolly, qu'il n'oubliera plus. Avec l'aide d'un marchand chinois de Malaisie, Saya John, conscient de son dynamisme et de son ambition, Rajkumar va peu à peu faire fortune, d'abord dans le commerce du teck en Birmanie, puis du caoutchouc en Malaisie, et tel un Gatsby ou un Rhett Butler, se forger une nouvelle identité.
Devenu riche, il part chercher Dolly à Ratnagiri, près de Bombay, où les souverains birmans sont exilés, l'épouse et la ramène à Rangoon. Le récit se poursuit avec maints épisodes concernant les générations suivantes.
Ghosh a opté ici pour une narration classique, chronologique, d'une lecture très accessible. Il nous livre une formidable fresque romanesque, foisonnante, captivante ("a page-turner" comme disent les Anglais), à la fois ample et subtile, simple et complexe, balayée par un souffle épique. Et si l'histoire - tout un pan de l'histoire d'un sous-continent encore trop mal connu - est au coeur de ce roman, ce sont ses acteurs, ceux qui la subissent ou ceux qui la domptent, qui occupent toujours le devant de la scène, des personnages vibrants de vie et d'humanité.