L'Aîné des orphelins
"Moi, Faustin Nsenghimana, je n'en ai plus pour longtemps. Ils viendront me tuer demain ou bien après-demain. Je m'en irai comme je suis venu au monde, sans un linge sur le corps et sans tapage inutile. Nous autres Nsenghimana n'avons pas pour habitude d'emmerder les autres. Très tôt, mon père Théoneste m'a appris à voir clair, c'est-à-dire à m'accommoder de tout. A Nyamata, tout le monde connaissait Théoneste. Vous pensez bien : c'était l'idiot du village ! Vous ne saurez jamais le bonheur que c'est d'être le fils d'un idiot. Vous vous distrayez de tout. Eh oui, j'ai continué à jouer au cerf-volant moi, même quand ils ont entouré les collines et qu'ils ont exhorté les gens à aiguiser les machettes et les couteaux. " Pourquoi tout va si mal au Rwanda ? Parce qu'un malappris a déplacé le rocher sacré de la Kagera ! " C'est le sorcier Funga qui disait ça. Ah, si seulement nous l'avions écouté !"
Au Rwanda, Faustin Nsenghimana, né d'un père hutu et d'une mère tutsi, est l'aîné de quatre enfants. Son père, Théoneste, considéré comme l'idiot du village, lui a appris à voir clair : c'est-à-dire, à s'accommoder de tout. Il a treize ans lorsque des hommes entourent les collines de Nyamata et exhortent les gens à aiguiser les machettes et les couteaux. Ses parents sont massacrés, il prend la fuite, mène une vie errante et misérable pendant des mois. Et lorsqu'enfin il retrouve ses frères et sueurs, sa vie est de nouveau bouleversée...
Usant de la fiction romanesque pour évoquer le génocide rwandais, Tierno Monénembo place ce personnage de jeune garçon, fuyard, orphelin, pensionnaire et prisonnier, au cœur d'une tragédie qui secoua tout le continent africain.