Dancing
Au mitan de sa vie, un homme qui jusque là était resté enfermé entre ses quatre murs avec pour seule obsession écrire, ou plutôt aligner des phrases, décide de vivre enfin. Son objectif : rejoindre le Lac rose, ce dancing où il s’est rendu une fois il y a fort longtemps et dont il garde une image précise. Là-bas, il découvrira l’existence, dansera à plus soif, rencontrera des gens, de la lumière, de la musique. Il enfourche sa moto et part. Jusqu’au Lac rose, la route est longue, d’autant plus longue qu’il erre, va, revient, se trompe, ne sachant pas précisément où se trouve ce lieu. Sa route traverse des zones dévastées, où la violence a fait des ravages, laissant derrière elle des immeubles déglingués, des rues saccagées, un mobilier urbain détruit. Le narrateur voit parfois, au loin, un écho encore vivace de ces violences - des flammes, des policiers, des groupes d’individus qui bougent comme des ombres.
Parcourant sa route, sur sa moto, il poursuit une sorte de monologue intérieur, presqu’un ressassement, sur l’inanité de l’existence qu’il a mené. Mais aussi sur sa mère, sur son adolescence, alors qu’il était figurant dans un spectacle au théâtre du Châtelet, sur les numéros de cirque auxquels il assistait, enfant émerveillé. Et, bien sûr, les chansons de Luis Mariano, « sa voix cuivrée, son si bémol somptueux »…
Au bout d’une très longue route – quatre heures de solitude sur une moto à travers des zones à peine urbaines –, le narrateur arrive enfin au Lac rose, rebaptisé L’Eldorado. La musique, les gens, l’amour, la danse l’y attendent. Happé par ce rythme nouveau d’une vie nouvelle, il trouvera là ce qu’il cherchait, ce qu’il espérait depuis si longtemps.
Tout à la fois épique et ombrageuse, enflammée et tendre, violente et détachée, l’écriture d’Alain Veinstein a le souffle d’un bolide roulant à tombeau ouvert.