Un moment d'oubli
Un drame d'autant plus poignant qu'il s'exprime de la façon la plus simple, à travers une langue limpide, sans effet de style appuyé et avec la même tendresse humaine qui imprègne tous les livres de l'auteur. Un homme entre deux âges erre dans une ville de l'Est de la France, où il s'est arrêté au hasard, en descendant d'un train. Le roman est à la deuxième personne : l'homme s'adresse à lui-même. Il boit trop, dort dehors, rêve d'une douche et d'un lit. Pourtant ce n'est pas un SDF ordinaire. Même s'il souffre de son état de quasi-épave, il s'y tient comme s'il se trouvait indigne d'une vie normale. Le récit alterne les choses qu'il voit dans cette ville qui lui est étrangère et où personne ne le connaît et les doux souvenirs de sa vie antérieure : son enfance, ses parents émigrés italiens, son épouse qu'il a beaucoup aimée et qu'il aime encore, leur fils. On pense à ces héros de certains romans de Simenon qui ont un jour tout lâché pour se mettre en marge de la société. C'est seulement à la fin du livre qu'on apprendra que l'homme était un policier, qui, en poursuivant un voleur de voiture dont il ne connaissait pas l'identité, a tué son propre fils. Celui-ci, affolé par la poursuite, s'est écrasé avec la voiture volée.