L'Encre de la mélancolie
Les symptômes principaux de la mélancolie sont l’anxiété et l’abattement, la tristesse silencieuse, l’animosité envers les proches. Tantôt les mélancoliques souhaitent vivre, tantôt mourir ; ils croient qu’on leur tend des pièges ; ils pleurent sans raison, murmurent des propos absurdes, puis se mettent à rire brusquement.
Quand la théorie de la mélancolie voit le jour, les philosophes et les médecins s’avisent d’expliquer la peur, la tristesse, les désordres de l’esprit, par une cause naturelle qui puisse évincer toute interprétation mythique. Ce ne sont plus les dieux, ni les démons, ni la mystérieuse nuit qui troublent la raison des hommes ; ils sont en proie à une substance qui s’accumule en excès dans leur corps, et dont les effets, comparables à ceux d’un sombre vin, ne sont pas plus mystérieux que l’ivresse.
J’ai choisi d’ouvrir le présent volume en rendant public le plus ancien de mes travaux sur la mélancolie, qui a longtemps « circulé sous le manteau ». Son titre : Histoire du traitement de la mélancolie. Durant plus d’un demi-siècle des thèmes liés à la mélancolie ont pu orienter mes écrits. D’une certaine manière, le livre publié aujourd’hui est né en 1960.
Jean Starobinski