L'Hésitation d'Hamlet et la Décision de Shakespeare
Dans ce livre, Yves Bonnefoy s'interroge - et nous interroge - sur l'actualité de Shakespeare :
« Hamlet perçoit la faillite d'une société, de ses convictions, de ses valeurs. Et on peut donc faire l'hypothèse qu'il en a une autre à l'esprit et va être un de ceux qui se donnent pour tâche la refonte d'un ordre et non le déni de tous. Il a été étudiant à Wittenberg, l'université de Luther et de la Réforme, laquelle est ce souci d'une religion seulement en partie renouvelée. Intelligent comme il est - et longtemps l'arbitre des élégances, à en croire Ophélie -, il pourrait bien faire sien un tel projet de rénovation réfléchie, bien dans l'esprit de la Renaissance si même tempéré par la sagesse d'Érasme ou l'ironie de Montaigne. Mais ce n'est pas de cette façon que Shakespeare comprend Hamlet. " Words, words, words ", dit Hamlet à Polonius de ce qu'il lit, ce livre est sans vérité, les mots n'y sont que des faux-semblants. » Au-delà du clivage dans notre perception de l'existence et du monde, entre la réalité de l'être humain - le temps qui le voue à la mort - et la pensée conceptuelle qui donne des noms aux aspects, c'est la poésie qui va proposer une parole d'alliance pour les tâches d'une survie, se refusant au désespoir. Pour Yves Bonnefoy, "ces considérations éclairent la pensée de Shakespeare, et Hamlet en particulier, mieux qu'aucune autre sorte d'approche. Parce qu'elles aident à comprendre pourquoi cet auteur d'une époque à bien des égards révolue reste si proche de nous, si agitant, si évidemment le témoin de nos présentes ténèbres mais aussi le porteur de ce qui nous reste d'espérance. »