Le patron, le pauvre homme, le solitaire : Lettres, articles et documents
C'est pendant les années de l'entre-deux-guerres que la carrière de C. F. Ramuz a pris son essor : son œuvre romanesque et les débats que ses textes suscitent en matière de style et de " bien écrire lui assurent alors une place de premier plan dans le monde littéraire français. De ce monde-là, Jean Paulhan est, dès cette époque, une figure éminente, dont le jugement pèse lourd, et dont l'influence se déploie autant dans les cercles de l'édition que dans les périodiques. Le commerce épistolaire entre les deux écrivains donne à voir la relation dissymétrique qu'ils entretiennent : à Paulhan qui cherche à le rallier à La NRFet aux Editions Gallimard, Ramuz oppose moult atermoiements, non sans recourir par ailleurs, et très régulièrement, aux services de son correspondant, dont il accepte aussi les sollicitations. La trame du parcours éditorial du romancier se devine ainsi dans ces lettres où les " affaires " priment, mais où transparaissent également l'admiration et l'estime réciproques. Il en va de même dans la correspondance, moins fournie, que Paulhan a échangée avec Gustave Roud : entré en contact avec le poète lorsque ce dernier est le bras droit de Ramuz à la tête de l'hebdomadaire Aujourd'hui, le " patron " tentera à plusieurs reprises, le plus souvent en vain, de l'impliquer dans des publications. Parce qu'elles mettent en évidence les réalisations littéraires nées sous l'impulsion de Paulhan, mais aussi parce qu'elles révèlent des blocages récurrents, les lettres regroupées ici constituent un document de première importance pour qui veut réfléchir à l'histoire littéraire de la Suisse romande, en constante tension avec Paris et ses instances de consécration.