Écrits sur l'art
« L'oeil existe à l'état sauvage » : ainsi s'ouvre en 1928 Le Surréalisme et la Peinture. Dans la réédition considérablement augmentée qui paraît en 1965, la phrase est inchangée.
Breton pense toujours que la vision possède une antériorité absolue sur le langage et que l'oeil est l'instrument d'une saisie immédiate du monde. Un regard sur une peinture peut encore, à la fin d'une vie, engager l'existence avec la force du coup de foudre amoureux. Breton n'a jamais autant écrit sur l'art que dans ses dernières années.
Chaleureux, enthousiastes, les textes qui composent l'ultime édition du Surréalisme et la Peinture témoignent d'une capacité d'émerveillement intacte. Qu'ils soient consacrés aux grands noms - Chirico, Picasso, Ernst, Miró, Duchamp, Picabia... - ou à des inconnus, c'est toujours en fonction de sa capacité de surprise que l'oeuvre d'art y est considérée. En 1965, Le Surréalisme et la Peinture était un beau livre, avec plus de trois cents reproductions en noir et blanc et en couleurs. Toutes sont reprises ici, comme est reprise pour l'essentiel l'iconographie originale de L'Art magique (1957), qui fait une grande place aux collections personnelles de l'auteur. Puis viennent, deux ans plus tard, les Constellations : vingt-deux peintures de Juan Miró, ici reproduites en couleurs. Face à chacune d'elle, Breton place un poème en prose : le peintre n'illustre pas le poète, c'est le poème qui est l'illustration textuelle de l'oeuvre d'art.
L'art n'est pas moins présent dans les textes demeurés épars. Ceux que l'on réunit ici furent écrits entre 1954 et 1966. Les expositions surréalistes y côtoient la Victoire de Samothrace, les arts d'Afrique, d'Amérique et d'Océanie, Picabia ou Man Ray. Ce dernier tome propose, enfin, l'envoûtant dialogue Alouette du parloir ; Du surréalisme en ses oeuvres vives, où Breton revient sur les apports du surréalisme ; Le La, qui dresse en quelque sorte le bilan de quarante années d'« automatisme » ; et le recueil posthume Perspective cavalière, dans lequel Marguerite Bonnet, l'initiatrice de cette édition, avait recueilli des textes dispersés datant de 1952 à 1966.