L'Algérie algérienne: Fin d'un empire, naissance d'une nation
Nul n'était mieux placé que Jean Lacouture pour brosser l'épopée de l'Algérie moderne. Grand reporter au Monde à l'époque des « événements », mémorialiste de Mendès France, de Gaulle et Mitterrand, confident d'un grand nombre d'acteurs des deux bords, il fut aussi un témoin engagé, l'un des premiers partisans de la décolonisation. Fruit de ces approches croisées, ce livre s'offre tout à la fois comme une chronique historique, un récit journalistique au jour le jour et un témoignage personnel. L'auteur cherche avant tout à faire ressortir la profonde imbrication des sociétés des deux rives, ce qu'il appelle la « mixité franco-algérienne », qui a survécu aux horreurs et tragédies séculaires, des « enfumades » de Pélissier aux massacres de harkis, des « ratonnades » de Sétif et Guelma aux incendies de l'OAS et aux égorgements perpétrés par les « fous de Dieu ». Selon lui, l'issue du corps à corps fut positive. Les accords d'Evian auraient même pu dessiner l'architecture d'une coopération durable si la minorité européenne avait joué le jeu. La stratégie de terre brûlée de l'OAS, combinée avec les assassinats du FLN, troubla ce qui aurait pu être un passage sans précédent de l'affrontement à la coopération. L'objet de ce livre n'est donc pas de se lamenter sur on ne sait quelle fatalité du Mal mais de mettre en lumière les traits d'union historiques et culturels entre les deux pays. Jean Lacouture voit ainsi en Ferhat Abbas, président du GPRA de 1958 à 1961, la forme la plus éloquente de la revendication nationale algérienne dans une perspective d'association avec la France. « Qui a connu cet homme généreux, écrit-il, sait que le patriotisme algérien porte en lui une part de la culture française. L'auteur du Manifeste du peuple algérien de 1944, que les activistes de 1954 ont su accueillir dans leurs rangs, est l'une des expressions de l'homme algérien. Qui est, pour quelque chose, héritier des Lumières, des soldats de l'an II, et de Victor Hugo. » Journaliste, biographe et historien, Jean Lacouture est né à Bordeaux en 1921. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il devient attaché de presse du général Leclerc, puis débute sa carrière de journaliste et de reporter en 1950, à Combat, au Monde, à France-Soir, au Nouvel Observateur... Parallèlement, il est directeur de collection au Seuil de 1961 à 1982 et professeur à l'IEP de Paris de 1969 à 1972. Il est surtout connu pour ses biographies de Hô Chi Minh, Nasser, Blum, De Gaulle, Mauriac, Mendès-France, Mitterrand, Montesquieu, Montaigne, Malraux, Germaine Tillion, Champollion, Rivière...