La sentence/J'étais et je n'étais pas
Du juge et du condamné, « lequel est l’ombre et lequel le soleil ? » Jean Genet ne fera pas de distinction entre la prononciation et l’accomplissement de la Sentence, aussi indissociables à ses yeux que l’avers et le revers d’une pièce de monnaie. Le piteux cérémonial des tribunaux, vague survivance des salles de torture dans l’ordre du langage, ne vaut que par le paraphe qu’y appose le voleur en purgeant sa peine dans l’isolement de sa cellule. Ainsi juges et jugés relèvent-ils de cette même « immémoriale nuit sacrée », où convergent, dans la culture occidentale, la soumission à l’autorité et sa profanation.
Confié aux Éditions Gallimard par Jean Genet au milieu des années 1970, ce livre, demeuré à l’état de projet, avait été soigneusement calligraphié par son auteur, avec des instructions précises sur sa composition typographique.
Poursuivant le copieux programme de publications qui accompagne cet automne le centenaire de la naissance de Genet, Gallimard publie dans "la Blanche" un inédit - le deuxième avec Lettres à Ibis - très singulier dans sa forme : La sentence suivi de J'étais et je n'étais pas.
"Et cela qui fut cassé, broyé, déchiqueté, foudroyé, brûlé, étouffé, vomi, il en demeure encore quelque chose de dense et de fort, comme une odeur de pieds après une longue marche, de fort et d'ineffable", peut-on lire dans les notes de marge de La sentence, qui évoque la relation entre la justice et le justiciable, et dont le titre a été choisi par l'éditeur, le premier de ces deux textes, conservés dans un grand carton à dessin, que Genet a confié à Gallimard au milieu des années 1970.
Ce manuscrit, raconte l'éditeur dans sa présentation, calligraphié par l'auteur (les lignes régulières et penchées écrites de la main de Genet sont reproduites en page de droite en fac-similé), avec ébauche de maquette respectant ses instructions, était toujours resté à l'état de projet.
Toutefois, certains passages, une évocation de son voyage en Extrême-Orient fin 1967, ont paru dans Le captif amoureux.
Quant au manuscrit de J'étais et je n'étais pas, sorte de poème en prose, il se présentait "sous forme de feuillets dactylographiés, avec corrections autographes, collés sur des grands feuillets", avertit encore l'éditeur.