La blessure la vraie
« L’idée cheminait en moi que quelque chose s’était passé en 86 dont je n’étais jamais revenu. Je commençai à me repasser cette année, sautillant entre les trous de mémoire. Finalement la rétrospection se resserra sur l’été, puis, au sein de cet été, sur la dizaine de jours de juillet qui avaient culminé dans de drôles d’événements, jamais oubliés mais que je ne croyais pas si fondateurs.
Je décidai de raconter tout, jour après jour, heure par heure presque. On verrait bien. On verrait mieux, peut-être, ce qui là-dedans avait conditionné la suite ». François Bégaudeau a choisi de revenir loin en arrière, au coeur de l’été 1986 en Sud-Vendée.
Il a alors quinze ans, un âge critique à bien des égards, celui des orgueils démesurés et des failles béantes, celui d’un adolescent prêt à toutes les métamorphoses. Comme chaque année depuis que sa famille s’est installée à Nantes, il passe ses vacances à Saint-Michel-en-l’Herm, une bourgade en rase campagne, mais proche des campings du bord de mer. Deux milieux aux antipodes, deux terrains de jeu familier pour le jeune narrateur en mal d’aventures concrètes. L’ado a déjà échafaudé son programme : trouver la fille qui voudra bien le déniaiser.
Pressé de s’émanciper, il échafaude des stratégies, mise sur plusieurs tableaux, joue de malchance, avant d’entamer enfin une romance imprévue, la vraie, avec Julie, qui va changer ses plans et libérer en lui une sentimentalité poétique inattendue. Mais c’est sans compter sur les détours accidentels et contretemps malheureux qui vont compliquer son drolatique et douloureux apprentissage amoureux.
Arrive le bal fatidique du 14 juillet, où tout va s’accélérer à tort et à travers. Provocations perverses, meurtre par imprudence, bitures en série… l’esprit embrumé du jeune Nantais n’arrivera plus à sortir de ce cauchemar éveillé. Dès lors, c’est la vitesse à l’état pur qui mène la danse : l’été en pente raide, la mort aux trousses, l’adolescent qui court à sa perte, une nuit sans fin, celle de tous les dangers, ou peut-être un gigantesque canular ayant très mal tourné ?
Qui saura distinguer le vrai du faux et dire ce qui s’est réellement passé cet été 86 ? Et pourquoi le rire rétrospectif du narrateur révèle encore en lui une plaie à vif, vingt-cinq ans plus tard ?