Un album de jeunesse
Signé Wilhelm de Kostrowitzky, ce carnet à couverture noire, dorée sur tranche, est la première oeuvre connue de Guillaume Apollinaire. Il s'agit d'une suite où se mêlent des poèmes (au nombre de deux) et des dessins. L'ensemble peut être daté à coup sûr de la période 1893-1895.
L'auteur a entre treize et quinze ans. Depuis huit ans, il séjourne à Monaco avec sa mère où il est inscrit en classe de 4e et 3e au collège Saint-Charles, un établissement catholique. Ce carnet est étranger à son programme scolaire, il montre l'intérêt de l'adolescent pour le dessin et la poésie.
Sans être un journal de bord des années de jeunesse, cet album fournit des informations précieuses sur cette année 1893, son attrait pour les sujets religieux à travers le dessin, son goût pour la caricature. Le poème Noël de 1894, assez peu conventionnel, métamorphose la joie de l'Évangile de Saint Luc en violence et en douleur à travers les larmes de l'enfant et la souillure de la Vierge. Il annonce sans doute le poème Noël Funéraire de L'Enchanteur pourrissant.
Plus loin, le poème Minuit, de 1895, montre l'association du poème et du dessin. Les mots ne dessinent pas encore un objet mais le préfigurent. On songe aux futurs Calligrammes.
Beaucoup d'énigmes demeurent impossible à résoudre dans cet ensemble hétéroclite. Des esquisses où apparaissent des étoiles surmontées d'une guêpe ? D'une mouche ? Une référence très mystérieuse au Macbeth de Shakespeare ? Ailleurs des mots chinois. Objet de curiosité certes, le tout témoigne d'une culture étonnante.
Pierre Caizergues, universitaire, spécialiste d'Apollinaire, avait invité Pierre Bergé à faire l'acquisition de ce carnet unique en son genre. Ce dernier, grand bibliophile, ne résiste pas à partager son plaisir en suscitant aujourd'hui cette publication.
L'objet lui-même se présente comme un fac-similé à l'identique, avec pour seuls ajouts une présentation de Pierre Caizergues sur feuilles volantes et un emboîtage aux couleurs de la NRF.