Une jolie fille comme ça
Ce texte a des allures de confession. Le narrateur, un scénariste assez reconnu qui regarde avec dédain les artifices et la vanité de son milieu, vendra son âme, ou plutôt sa liberté, faute de savoir résister à la tentation. La nature de cette tentation est plus subtile qu'il n'y paraît. S'agit-il pour lui de jouer les héros en sauvant une jeune femme d'un suicide et d'une soirée alcoolisée ? ou d'oublier l'ennui et le naufrage de son mariage en se laissant aller à une énième liaison? Et qui est vraiment cette fameuse jeune femme dont la carrière d'actrice semble mal engagée et dont les fêlures, notamment amoureuses, prennent une tournure menaçante?Toutes ces questions n'empêchent pas les deux êtres de plonger dans une relation venimeuse, qui réveille les démons de chacun.Le lecteur ne connaîtra jamais le nom des deux héros de ce court roman mais la langue de Hayes, d'une précision clinique, redoutable, les fait exister d'emblée, dans toutes leurs faiblesses, leurs travers, leurs contradictions. Animé d'un désespoir existentiel évident, Hayes livre un portrait féroce de nos ambitions et de nos illusions, au sein duquel il réussit à distiller une ironie salvatrice. Ce texte se lit d'une traite, tant il est composé de main de maître. De très courts chapitres s'enchaînent vers un dénouement hitchcockien, qui laisse le lecteur dans un état de désarroi intense... « La beauté du roman tient à cela, à ces légers décalages en cascade qui éloignent l'intrigue de la chronique des studios pour l'orienter vers le questionnement métaphysique, la critique politique. (.) On est aussi loin du mélo qu'on est proche des sentiments. Si les protagonistes n'ont pas de prénoms, ils ne sont pas pour autant anonymes, ils sont l'individu broyé par le système, ils sont vous et moi. » Agnès Desarthe