La politesse
François Bégaudeau, écrivain, rend compte ici, à sa manière, de la tournée promotionnelle d'un auteur, alias lui-même. Il énumère les étapes obligées de l'écrivain lors de la sortie d'un ouvrage : émission de radio, salon ou foire du livre, plateau télévisuel, séance photo, intervention en bibliothèque, signature en librairie, etc. Il donne ainsi à voir un vaste échantillon des lieux et cas de figure qui attendent ce VRP de son propre livre : entre parcours du combattant, traversée du désert et quiproquo déceptif. Si certaines situations prennent l'allure d'un gag, il s'agit moins de moquer les travers du microcosme parisianiste ou des professionnels de la culture que de mettre à nu les rouages d'une machinerie culturelle globale qui, au gré des flux de produits interchangeables, semble condamnée à faire l'impasse sur la confrontation aux textes eux-mêmes.
Dans une deuxième partie, l'auteur décide de sortir de sa réserve, répond à côté, fait l'idiot ironique, torpille les débats biaisés, bref cesse de jouer le jeu de la comédie littéraire. Autant de joutes verbales qui, brisant le moule des conversations standardisées, ne cèdent pas aux règlements de compte personnels mais produisent un théâtre burlesque de l'absurde où chacun reconnaîtra une part de vérité.
Enfin, nous voici transportés en 2023.
Jouant sur les codes du roman d'anticipation, François Bégaudeau imagine une société française où les îlots de vie communautaire d'une jeunesse altermondialiste auraient gagné du terrain. Et c'est là, dans ces zones d'expérimentation coopérative que le narrateur se surprend à découvrir les échanges intellectuels que rend soudain possible un monde libéré des rivalités commerciales.
Une façon pour l'auteur de dépasser la déploration ou la résignation en réaffirmant, à travers cette marge d'utopie, que le meilleur moyen d'interroger le rôle politique de l'intellectuel reste la fiction.