Lettres à Anne: (1962-1995)
En 1962, un homme politique français de quarante-six ans rencontre à Hossegor, chez ses parents, une jeune fille de dix-neuf ans, Anne Pingeot. Une première lettre du 19 octobre 1962, adressée à cette jeune fille, sera suivie de 1217 autres lettres qui se déploieront, sans jamais perdre de leur intensité, jusqu'en 1995, à la veille de sa mort. Anne Pingeot, qui a vécu cachée et dans l'ombre de celui qui fut deux fois président de la République et qui avait jusqu'ici refusé de s'exprimer publiquement, a décidé de publier cette correspondance pour que soient révélés des aspects totalement inconnus d'un homme que chacun croyait connaître.
D'abord, François Mitterrand lui fait respectueusement et longuement la cour, lui parlant de ses nombreuses lectures, de Camus à Jean Cocteau à propos de sa mort et dont il cite des vers de Plain-chant. Suivront des centaines de lettres amoureuses, mais aussi littéraires. François Mitterrand se fait aussi critique de cinéma ou de musique. C'est la vie quotidienne et amoureuse qui est dévoilée dans ces pages, celle d'un député de province toujours sur les routes, avec de nombreux portraits et anecdotes, ses rencontres politiques, celle d'un amant sensible, d'un père fasciné par sa fille Mazarine.
Parmi des centaines d'autres, une lettre de 1970 témoigne de leurs relations : « C'est une vague de fond, mon amour, elle nous emporte, elle nous sépare, je crie, je crie, tu m'entends au travers du fracas, tu m'aimes, je suis désespérément à toi, mais déjà tu ne me vois plus, je ne sais plus où tu es, tout le malheur du monde est en moi, il faudrait mourir mais la mer fait de nous ce qu'elle veut. Oui, je suis désespéré. Le temps de reprendre souffle et pied ? ô mon amour de vie profonde j'ai pu mesurer un certain ordre des souffrances. Ce sera peut-être le seul mot tranquille de cette lettre : je t'aimerai jusqu'à la fin de moi, et si tu as raison de croire en Dieu, jusqu'à la fin des temps. » Il est extraordinaire que cet homme public fort occupé ait pu consacrer tant de temps à écrire presque chaque jour des lettres lyriques, toujours merveilleusement rédigées, douloureuses quelquefois, qui font deviner au lecteur que cette relation de plus de trente ans ne s'est pas passée sans heurts ni sans batailles.
On peut y lire en creux le portrait d'une femme entière, sans concession.
Jamais n'avait été dévoilée la vie privée et soigneusement dissimulée d'un chef d'état, un grand humaniste, qui montre ainsi encore plus son tempérament littéraire dans ce témoignage inédit d'une grande histoire d'amour.