Correspondance avec Tristan Tzara et Francis Picabia: (1919-1924)
Ce 3e volume de la correspondance générale d'André Breton est consacré à sa période Dada. Il recueille plus précisément les lettres échangées avec Tzara du 6 janvier 1919 au 20 décembre 1934, et avec Picabia du 11 décembre 1919 au 19 mars 1924, ainsi que quelques lettres intervenues au-delà de ces dates. On y lira son admiration, ses enthousiasmes, mais aussi ses réserves, ses mises au point à l'égard du poète qu'il tenait pour la réincarnation de Jacques Vaché, et du seul peintre inventeur de formes nouvelles à ses yeux.
Comment se parlaient-ils, ces artistes révolutionnaires ? Curieusement, ils se vouvoyaient, et leur langage reste très cérémonieux. On reste étonné par le courant d'affectivité qui passe entre eux, au-delà des idées esthétiques. Breton n'est pas l'homme d'une adhésion totale : il a été dada authentiquement, sincèrement, mais cela n'a duré qu'un temps. Dada se voulait mouvement. Il n'exigeait aucun serment, aucun engagement absolu, et détestait tout ce qui pouvait limiter la liberté humaine. C'est le point de vue développé tant par Picabia que par Tzara, alors que Breton cherche, lui, à orienter la politique culturelle du Parti communiste.
Cette correspondance se fait l'écho des conflits interindividuels qui traversèrent Dada. Mais comme rien n'est jamais figé. Tzara et Breton reprennent contact en 1929 pour animer conjointement un Mouvement surréaliste qui s'est donné de nouvelles orientations. Et bien que fâché avec Picabia, Breton n'en reprendra pas moins le fil de la conversation.
Ces lettres étaient connues de quelques amateurs, puisque publiées en annexe à la thèse de Michel Sanouillet sur Dada à Paris. Outre les éléments retrouvés, cette édition les met en lumière par l'abondante annotation qui leur redonne toute leur signification, les faisant passer du statut de témoignage à celui de littérature.
Au-delà de tout commentaire, on sera sensible au caractère terriblement sentimental de ces échanges, à la recherche d'une amitié sans faille - avec la déception que cela comporte.
Présentée et éditée par Henri Béhar.