État civil
"Il semble que les souvenirs de jeunesse jouissent aujourd'hui d'une vogue nouvelle. Naguère encore, on les tenait un peu à l'écart. On se méfiait d'une naturelle idéalisation. Le passé servait trop souvent de justification du présent. Nous savons tous que nous eûmes du génie à huit ans. "L'étude de l'enfance réserve des découvertes psychologiques trop riches pour être longtemps négligées. La spontanéité, la vigueur de l'instinct, qui sont le propre de cet âge, aident à la science de l'âme humaine autant que le font d'un autre côté les anomalies, les névroses, certains phénomènes de rêve ou de subconscience vers quoi tendent en ce moment les recherches des savants et des psychologues. Si le but de l'art doit être de chercher, sous l'illogisme et la complexité des faits mentaux, une logique supérieure, et comme un rythme - nous trouverons un terrain dans cette vie volontiers incohérente, heurtée, toute de cris de joie, de larmes et de rêves qui est celle de l'enfant. "Cependant, tandis que les autobiographies comme celle d'A. France, comme Si le grain ne meurt ou le Premier de la classe sont écrites pour la propre satisfaction de l'auteur, et, à chaque page, artistement oeuvrées et caressées, l'Etat civil de Pierre Drieu la Rochelle tend à une signification plus grande, il pose une question, introduit un conflit d'idées. Ces souvenirs d'enfance ont une portée sociale."