Le jeu de l'envers
«… Bien que je n'aie pas encore réussi à comprendre quel est le lien qui unit la vie que nous vivons et les livres que nous écrivons, je ne peux pas nier que Le jeu de l'envers ait une résonance autobiographique. Théâtre, Paradis céleste et Voix sont au contraire des histoires qui me furent racontées par d'autres. Ce qui m'appartient, c'est la façon de les raconter, qui fait que ces récits sont ces récits-là précisément et pas d'autres. Enfin, les autres récits sont nés spontanément en moi sans aucun lien apparent avec ce que je connaissais ou avais vécu. Mais tous ? les uns comme les autres, sont liés à une découverte : le fait de m'être un jour aperçu, à cause des imprévisibles événements qui régissent notre vie, que quelque chose qui était "ainsi" était pourtant autrement. Ce fut une découverte qui me troubla. À la rigueur, on pourrait dire que ce livre a été dicté par l'étonnement. Par la peur, serait-il peut-être plus juste de dire. Le respect dû à la peur m'empêche de croire que l'illusion de la domestiquer par l'écriture éteigne la conscience, enfouie au fond de l'âme, qu'à la première occasion elle mordra à nouveau, suivant ainsi sa nature.»
Antonio Tabucchi.