Maîtres et disciples
Qu'est-ce qui habilite un homme ou une femme à «enseigner» à un autre être humain, où réside la source de l'autorité ?
L'enseignement authentique est le dévoilement d'un Logos révélé, diront les uns : c'est le modèle du maître qui enseigne la Torah, explique le Coran ou commente le Nouveau Testament. Au contraire, argueront d'autres, l'enseignement passe par la seule vertu de l'exemple : Socrate et les saints enseignent en existant. L'enseignement est un rapport de force, une forme de violence, protesteront les troisièmes : le maître possède un pouvoir psychologique, social et physique dont Ionesco fait la satire dans La Leçon.
C'est compter sans les refus d'enseigner, faute de destinataire jugé par le maître digne de son héritage. Les exemples abondent dans l'histoire de la tradition alchimique et kabbalistique, ou bien de la philosophie. Puis il y a les pertes, les disparitions par accident, voire les auto-illusions - Fermat avait-il résolu son propre théorème ? Que sont devenus les textes d'Aristote sur la comédie, les recettes de fabrication de certains pigments de Van Eyck, les manières de jouer des triples points d'orgue que Paganini refusait d'enseigner ?
La seule réponse qui vaille n'est-elle pas la question de savoir s'il existe quelque chose à transmettre, sinon un premier éveil, une aurore de l'intelligence ?