Un territoire fragile

« Je n'ai pas hésité un instant lorsque j'ai lu l'annonce dans le Journal des hémisphères : "Institut océanographique de Norvège recherche biologiste débutante d'expression française." J'ai envoyé aussitôt ma candidature et, sans attendre la réponse, j'ai pris le vol pour Bergen. Le lendemain, je m'éveillai dans un brouillard gris bleu que transperçait le cri des mouettes. Le grondement d'une corne de brume répandait à l'infini sa musique désolée de violoncelle. Le directeur de l'Institut m'accueillit avec une grande courtoisie et un français très convenable. Il n'avait pas reçu mon courrier, évidemment, mais devant ma douce insistance, et puisque, enfin, j'étais là, avec ma valise de cuir souple, mon pull de grosse laine, mon cache-col et mes bottines, il accepta de me prendre à l'essai. Pour la première fois de ma vie quelque chose avait été facile et simple, obtenu sans éclat. »
Clara Werner, est venue en Norvège, non pas pour observer le mouvement des marées, mais pour fuir son passé. Elle n'est plus qu'un bloc de souffrance, un corps meurtri par les coups que lui infligeait son mari marocain. Mais l'absence de contact peut faire parfois aussi mal que les coups les plus violents... Éric Fottorino confère une profondeur paradoxale à ses personnages;, il parvient à rendre curieusement palpable la douleur, en touchant la trame même de la vie.
Prix Europe 1 et Prix des Bibliothécaires