Bonne nuit, doux prince
" Je le voyais s'éloigner, la nuque maigre, le crâne chauve, les épaules effondrées. Je n'ai pas bougé. J'aurais dû l'appeler, le serrer dans mes bras, lui dire que j'étais heureux qu'il me fasse cadeau, pour me faciliter la vie de tous les jours, des objets qui lui avaient permis d'être lui. Mais je n'ai pas bougé, je n'ai rien dit. C'est aujourd'hui, tant d'années après, que je voudrais le rattraper et le prendre contre moi. Comme un cul-de-jatte qui a mal aux jambes, j'ai mal à mon père. C'est ça, au fond, notre histoire. Des gestes qui n'ont pas eu lieu. Des mots que j'ai négligé de dire. " Le narrateur trace le portrait de son père, et ressuscite, avec des mots justes et simples, les cartes postales nostalgiques d'un bonheur familial fragile. Il se lance à l'assaut de son enfance connue on gravit une montagne. Il se fait archéologue émotionnel de l'histoire paternelle, comme si les mots pouvaient pallier l'absence. Hommage d'un fils à son père disparu, d'un enfant à ses parents, le roman de Pierre Charras est bouleversant.