LE COTE DE GUERMANTES
Mme de Guermantes était coiffée d'un canotier fleuri de bleuets ; et ce qu'ils m évoquaient, ce n'était pas, sur les sillons de Combray où si souvent j'en avais cueilli, sur le talus contigu à la haie de Tansonville, les soleils des lointaines années, c'était l'odeur et la poussière du crépuscule, telles qu'elles étaient tout à l'heure, au moment où Mme de Guermantes venait de les traverser, rue de la Paix. D'un air souriant, dédaigneux et vague, de la pointe de son ombrelle, elle dessinait des ronds sur le tapis, puis son regard fixait tour à tour chacun de nous, puis inspectait les canapés et les fauteuils mais en s'adoucissant alors de cette sympathie humaine qu'éveille la présence même insignifiante d'une chose que l'on connaît ; ces meubles n'étaient pas comme nous, ils étaient vaguement de son monde ; puis ce regard était ramené à la personne qui y était assise et reprenait alors le même air de perspicacité et d'une désapprobation qu'elle eût éprouvée si elle eût constaté sur les fauteuils, au lieu de notre présence, celle d'une tache de graisse ou d'une couche de poussière.