Du côté de chez Swann de Marcel Proust (Essai et dossier)
« "Longtemps, je me suis couché de bonne heure", "la Petite Madeleine", le cabinet sentant l'iris, la lanterne magique, le grelot ferrugineux, le baiser du soir, les aubépines, les clochers de Martinville, les sources de la Vivonne, la petite phrase de la sonate de Vinteuil, "une femme qui n'était pas mon genre", les parties de barres aux Champs-Élysées : autant de "morceaux choisis", autant d'épisodes, autant de mots autour desquels s'est précipitée la réflexion sur la littérature, et qui sont devenus aussi familiers que le corbeau, le renard, ma cassette, que diable allait-il faire dans cette galère, le sanglot long des violons, et la chèvre de M. Seguin. On connaît ces couplets par coeur sans même les avoir entendu chanter, comme on connaît les paraboles de l'Évangile sans avoir servi la messe, et les damnés du septième cercle sans avoir pactisé avec Belzébuth. Du côté de chez Swann, c'est cela, et c'est aussi bien autre chose. [...] Car au-delà des morceaux de bravoure ou des morceaux choisis, qui trop souvent remplacent une lecture suivie, on peut découvrir une unité, un cheminement, une progression, une démonstration : le roman de Proust est une construction claire. » Thierry Laget.