Comprendre: L'herméneutique et les sciences humaines
Se désintéresser de la question de ce que « comprendre » veut dire revient à ne prendre aucunement la mesure d'une activité spontanée qui traverse toute notre vie : nous ne cessons de pratiquer compréhension et interprétation, chaque fois que nous nous engageons dans une conversation, fût-elle la plus banale ou que nous lisons une phrase, fût-elle la plus indigente. Le questionement herméneutique régit donc notre rapport à nous-mêmes et à autrui.
Si toute réalité humaine demande à être comprise avant de pouvoir être expliquée, quelle en sont les conséquences pour les disciplines qui s'interrogent sur cette même réalité, c'est-à-dire les sciences humaines et sociales ?
L'opposition posée par Dilthey au tournant des XIX e et XX e siècles entre compréhension (sciences humaines) et explication (sciences de la nature) ne tient plus : il y a une dimension interprétative dans les sciences naturelles et une dimension explicative dans les sciences de l'homme. Ainsi la biologie traite de l'incarnation neurologique de nos capacités mentales qui constituent par ailleurs un des objets des sciences humaines et sociales. De même, la psychologie, science de l'homme par son objet, procède généralement par des expérimentations selon la méthode des sciences de la nature. Quant aux humanités, désormais elles collaborent avec les sciences exactes, notamment dans le cas de l'approche cognitive de la littérature et des arts.
Des différences importantes subsistent cependant entre les sciences de la nature et les sciences humaines et sociales, qui les rendent irréductibles les unes aux autres. C'est tout l'objet de cet ouvrage.