Figures qui bougent un peu et autres poèmes
«Sacré est un poète du paysage, de l'espace naturel cultivé par l'homme, campagne poitevine ou américaine, mais tout autant jardin ou même espace urbain parisien. Cette saisie globale de l'espace se double d'une attention particulière au détail : l'oeil s'arrête sur le vert d'un pré ou "des coins de nature où l'autrefois se défait" ; ce peut être aussi un objet particulier, une "pomme troche" par exemple, qui va enclencher le processus de mémoire, l'évocation d'autres lieux, une réflexion sur le temps, ou le développement d'une résonance affective. Le poème de Sacré ne cesse d'établir des ponts, des relations dans l'espace et le temps : "un pied dans la Nouvelle Angleterre l'autre en Poitou". Le plus souvent, le mouvement de l'écriture va du dehors vers le dedans, de la réalité vers son impact interne sur la sensibilité du poète, créant ainsi un jeu complexe d'échos.
En somme, Sacré peut varier la forme tant qu'il veut puisqu'il reste dans la même unité tonale de langue, la sienne : "des phrases comme une musique plutôt que du sens". La langue est poussée dans ses retranchements, ses limites, sans devenir obscure ou illisible. En cela, Sacré pourrait être un exemple de poète expérimental clair. S'il ne fait pas allégeance à une langue noble, ce n'est pas par désir de provocation gratuite mais parce que c'est une langue proche de celle qu'il parle et que parlent ceux dont il parle. Ceci posé, lisant, on mesure l'écart produit par l'élaboration du poème entre cette langue commune, sans grands mots, et la langue poétique finale, bien plus complexe dans ses plis et méandres que ne l'est le langage populaire ou paysan, tel qu'on l'entend ou l'imagine.
Poésie incarnée. Elle accompagne la vie, la mort, les choses et leur cours, dans une forme de lyrisme personnel. Ce livre touche profondément le lecteur par la situation humaine qu'il évoque, la maladie et la mort d'un enfant, mais aussi par sa pudeur.» Antoine Emaz.