La torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie: (1954-1962)
Pendant la guerre d'Algérie, des révélations firent très tôt connaître à l'opinion publique métropolitaine certains détails de l'usage de la torture par l'armée française et particulièrement la 10 e Division Parachutiste engagée dans la répression à Alger et sa banlieue. Des débats passionnés mirent aux prises intellectuels et journalistes, hommes d'église et hommes d'armée, avocats et écrivains. D'anciens soldats témoignèrent ; des victimes aussi : personne ne pouvait ignorer qu'en Algérie des militaires français pratiquaient la torture.
La référence à la période de l'occupation allemande était alors omniprésente. Tous les acteurs du débat l'avaient en tête et nombreux furent ceux qui l'utilisèrent pour comparer, condamner ou justifier les violences accomplies en Algérie. Les « opérations de maintien de l'ordre » qui s'y déroulaient dépendaient des autorités civiles mais leur réalisation fut laissée de plus en plus largement à l'appréciation de l'armée au fur et à mesure que l'insurrection nationaliste gagnait du terrain.
Aussi fallait-il aller au plus près du terrain pour comprendre pourquoi, en définitive, tant de militaires français purent pendant plus de sept ans commettre des exécutions sommaires et des actes de torture et le faire avec l'assurance qu'ils étaient ainsi au service de leur pays et obéissaient à des ordres.
Raphaëelle Branche éclaire comme jamais auparavant les mécanismes de la torture, qui trouvent leur origine dans le racisme colonial et les méthodes héritées de la guerre d'Indochine.
Grâce à des archives publiques enfin ouvertes et des témoignages de soldats et d'officiers, elle analyse l'autojustification ainsi que l'engrenage de la violence individuelle et collective face aux fragiles barrières de la conscience ou de la morale.