Ursacq
Les autres ne sont pas l'enfer pour Monsieur Louis, mais le passe-temps de sa vie tranquille. Il les dispose comme des bibelots sur l'étagère de sa ville d'Ursacq, souvenirs d'un voyage immobile.
Les objets, il les reçoit et les disperse en salle des ventes, et il en note le parcours. C'est par eux qu'il connaît les goûts et les couleurs de son monde.
Monsieur Louis vit donc des choses, qui existent avant et après leurs possesseurs, et ses semblables ne sont que des choses. Il en joue et ne peut pas leur en vouloir de passer en d'autres mains. Même ses amours. On ne peut donc s'étonner qu'il ait un faible pour Divine, une fille publique, et qu'il veuille l'offrir au plus grand nombre par le truchement des Mémoires érotiques de la belle. Ce livre qu'il désire merveilleux, il le nourrit, faute de prouesses personnelles, de toutes les fantaisies des clients de la jeune femme, mais cette somme des bizarreries de la ville ne sera qu'un objet de plus qui s'en ira vagabonder. « Tout passe » serait la devise de Monsieur Louis, s'il n'avait le sentiment d'être éternel, et le Maître, comme devrait l'être chacun.