La Reine de Saba : Une aventure géographique
« Le vrai défi que veut relever Malraux est sans doute moins dans l'équipée que dans sa rédaction. Le but principal de l'opération semble avoir été le texte qui la rapporte. L'écriture de Malraux avait tout de suite eu l'art des promptitudes et des brusqueries. Mais, maître en courts-circuits, il admirait aussi les oeuvres qui font vivre une durée. Dans ses dernières insomnies il lira encore des romans policiers avec la même fascination.Ce n'est pas qu'il se rêve feuilletoniste. Il y a au fond de son tempérament une sorte d'obscur atavisme qui le pousse à entreprendre, mais à n'entreprendre que pour déchiffrer et d'autre part à n'exprimer que le vécu. Ne faire que pour dire, ne dire que ce qu'on fait. Sa Reine de Saba tient cette gageure.Oui, il a réussi le tempo d'un récit linéaire. Cette fois-là et jamais plus. Le connaissant on imagine la concentration qu'il a mis à emporter le lecteur dans le temps de sa lecture. Ô singulier langage dont la tâche est de faire ressentir le passage de la durée.De plus, l'aventure a ici une exceptionnelle dimension poétique. Une reine trimillénaire suscite les lueurs de l'histoire et d'autre part le combat de tous les instants de nos deux aviateurs est avec les nuages en plein ciel, avec les brumes errantes, avec les pics imprévus, avec les cartes imprécises ou erronées (ah, il y a un fleuve, mais il est souterrain, etc.) sans compter une autonomie de vol qui ne dépasse pas dix heures. Homère n'a pas le loisir de sommeiller. »Jean Grosjean.