Voir Naples
« Comme tous les soirs je quittai la pension, ce jour-là aussitôt après dîner et marchai à travers les rues neuves du Vomero jusqu'au parapet de la forteresse, d'où l'on domine toute la ville : une masse énorme et confuse piquée de lumières. Ce qui me frappa ce soir-là ce fut le caractère informe de cette masse et l'impossibilité où j'étais de la délimiter. Elle s'étendait rigoureusement plate, comme une tache d'encre, dont les bavures prennent les directions les plus absurdes. Loin d'éprouver le soulagement que me donnait la contemplation des villes au crépuscule, cette vue m'attristait ; c'est trop peu dire, elle m'accablait d'un poids insupportable. Je suffoquais. Et brusquement, je revins à deux ans en arrière, à ce soir de novembre - et nous étions encore en novembre - où de cette même place, j'avais considéré Naples, avec la même impression d'accablement. C'était la fin de mon voyage et c'était la fin du monde. [...] Et c'était là que j'avais décidé de vivre... »