Chanson des mal-aimants
La narratrice, dès sa naissance abandonnée dans un cageot à la porte d'un couvent, sera ballottée, tout au long de sa vie d'une place à l'autre, aux quatre coins de la France. C'est comme si elle n'avait pas de vie propre. Mais elle participe intensément aux drames dont elles est le témoin. On la trouve dans les Pyrénées, chez la veuve d'un fusillé, parmi des enfants qui attendent en vain que leurs parents reviennent. Dans une auberge où l'on pratique un étrange et truculent culte de l'ours. Dans un château où en mascarade atroce accompagne la mise à mort d'un républicain espagnol. Dans un bistrot de la gare et dans un bordel champêtre. Chez un inquiétant romancier à succès. Dans la sauvagerie des montagnes et dans la jungle encore plus sauvage des villes. Et mêmes attelée à un orgue de Barbarie.
La façon dont Sylvie Germain donne la parole à cette paria laisse meurtrie, ébloui par la beauté des images, la fulgurance des visions.
C'est le couronnement de l'écriture et de l'imagination de la romancière du Livre des nuits, de son don de comparaison aussi, qui ont plus que jamais quelque chose magique.