Correspondance, 1926-1968
Paulhan se juge " tout à fait banal ", se range dans " le parti des gens qui s'intéressent, qui sont à chaque instant épatés ". Guéhenno a la conviction d'appartenir à " une espèce commune de l'humanité ", celle de " ces hommes de série ", que désemparent les événements. Coquetteries d'intellectuels et d'écrivains qui savent trop bien qu'on ne les prendra pas au mot, que leurs rouvres disent tout le contraire ? Leurs lettres incitent à ne pas répondre trop vite. A côté de la Grande Guerre, du Front Populaire ou de l'Occupation, il y est beaucoup question de divers petits événements, que l'on appelle trop vite, avec un mépris bien injustifié, " faits divers ".
L'un, " esprit insaisissable ", se méfie des professeurs, auxquels il reproche " d'avoir leur siège fait, leur système ". L'autre en veut aux " joueurs " et a parfois soupçonné son ami " d'aimer les idées pour le plaisir, à tous risques, et dût le monde s'écrouler ". Pourquoi dans ces conditions leur amitié n'a-t-elle jamais connu de ces " vacances " qui séparent des esprits pourtant mieux faits pour se comprendre et s'estimer ? Parce qu'ils partagent une conviction " Nous ne sommes pas le centre du monde, nous ne valons, nous ne sommes dans la vérité qu'à condition de nous négliger nous-mêmes pour autre chose. " Cette autre chose peut être la politique, la métaphysique, ou, quand les circonstances l'exigent, la résistance à l'oppression. Dans tous les cas, elle passe par cet amour de la littérature qui, seule, peut expliquer le monde, et donner un sens aux faits divers dont il est question dans cet entretien de quarante ans.