La Chambre
Si l'«affaire Louis XVII» a fait couler des flots d'encre jusqu'à sa solution, en 2001, grâce à une analyse ADN, personne ne s'était jusqu'à présent penché sur la personne de «l' enfant du Temple», sur ce que fut concrètement la vie tragique et brève du malheureux Dauphin, incarcéré à l'âge de 7 ans, arraché à sa famille, confiné jusqu'à sa mort à dix ans dans un isolement dramatique qui l'avait rendu presque autiste. Françoise Chandernagor a choisi de faire ici le portrait d'un petit garçon qui est aussi un otage, victime d'une situation qui le dépasse totalement. Un portrait psychologique de l'intérieur, où l'on assiste la gorge serrée au cauchemar de sa lente dégradation physique et intellectuelle, à la perte progressive de la notion du temps, de la mémoire, à l'oubli même de son nom. Autour de lui gravite une foule de personnages qui peuplaient alors la prison du Temple, véritable petite ville dans la ville. Ainsi, au fil des pages, nous découvrons ce que fut la vie quotidienne, tantôt tragique et tantôt pittoresque, du peuple de Paris sous la Révolution. À travers les souffrances de cet enfant jamais jugé, jamais condamné, qui ne reste en prison que parce qu'« on » l'y a mis on ne sait plus très bien par qui et pourquoi, en un temps où les têtes tombent de plus en plus vite, Françoise Chandernagor s'attache aussi à démontrer comment l'absurde le plus monstrueux peut se produire sans que personne ne tente de s'y opposer, comment des gens ordinaires, sans véritable méchanceté, peuvent laisser se perpétrer un crime à petit feu. Dénonciation par l'exemple de tous les totalitarismes et de tous les arbitraires, le roman est enfin métaphore du monde, cette chambre close où nous vivons sans l'avoir demandé et d'où nous ne sortirons qu'avec la mort. Le drame de cet enfant devient ainsi le drame de chacun de nous et, loin de s'effacer dans la brume du passé, son sort cruel nous concerne tous directement aujourd'hui encore ou, peut-être, plus que jamais.