Portrait de l'artiste en saltimbanque
Depuis le romantisme le bouffon, le saltimbanque et le clown, ont été les images hyperboliques et volontairement déformantes que les artistes se sont plu à donner d'eux-mêmes et de la condition même de l'art. Il s'agit là d'un autoportrait travesti, dont la portée ne se limite pas à la caricature sarcastique ou douloureuse. Une attitude si constamment répétée, si obstinément réinventée à travers trois ou quatre générations requiert l'attention. Le jeu ironique a la valeur d'une interprétation de soi par soi°: c'est une épiphanie dérisoire de l'art et de l'artiste. La critique de l'honorabilité bourgeoise s'y double d'une autocritique dirigée contre la vocation "°esthétique°" elle-même. Nous devons y reconnaître une des composantes caractéristiques de la "°modernité)", depuis un peu plus d'une centaine d'années. Jean Starobinski