Ce qui s'enfuit
Elle passait sous un porche. Sur le mur, en face d'elle, un dessin au pochoir représentait une femme de bande dessinée, décolletée, arrogante et brune. En dessous était écrit : Il est regrettable de ne pas essayer de retenir un peu ce qui s'enfuit. "Ce qui s'enfuit", relut Lydia Kaddish. La femme ressemblait à Florence, avec son air sophistiqué, ses cheveux noirs et lisses. C'est bien son style, pensa Lydia Kaddish, mais maintenant, elle est certainement colorée. Ses racines sont beaucoup trop noires. Probablement cette gamme de L'Oréal avec une crème adoucissante et du jus de pamplemousse pour ce qu'ils appellent l'"effet brillance". Mais elle ne devrait pas ; ça durcit le visage. Je n'ai pas osé le lui dire. Florence, elle, n'aurait pas tant de scrupules. De toute façon, elle n'avouerait pas qu'elle se teint. Elle tient à sauvegarder les apparences, faire comme si rien n'avait changé. Tout Florence. L'idée qu'avec de la volonté, du travail... Et jusqu'au Panthéon qu'elle atteignit par des rues montantes et étroites, entre des immeubles vieillots aux portes vermoulues qui avaient toujours l'air humide, elle se répéta doucement : "Ce qui s'enfuit, ce qui s'enfuit, ce qui s'enfuit."