Samedi
Pour Henri Perowne – neurochirurgien réputé, mari heureux, père comblé d’un musicien de blues et d’une poétesse – le monde tel qu’il est lui convient parfaitement : il aime cet Occident libre et démocratique, cette société d’abondance, et se félicite à chaque instant de la vie qu’il mène. Et ce samedi aurait dû être un samedi comme les autres. Et pourtant… Un embouteillage provoqué par une manifestation contre la guerre en Irak, un banal accrochage, et voilà la violence qui surgit dans son existence protégée. Henry aura beau tenter de reprendre le fil de sa journée, ses vieux démons et le chaos du monde le rattraperont sans cesse durant ces vingt-quatre heures, au terme desquelles plus rien ne sera jamais comme avant.
Tout en faisant diaboliquement monter le suspense, McEwan entrelace événements planétaires et privés avec une telle virtuosité que cet étrange samedi devient la métaphore de toute une vie, de toutes nos vies fragiles d’Occidentaux pris dans la tourmente de ce début de millénaire. Et cette réflexion profonde sur le hasard et le destin, les pouvoirs respectifs de la science et de l’art, la quête d’un sens qui résisterait à la mort, nous montre une fois de plus, après Expiation, un romancier parvenu à la plénitude de son talent.