Une amitié perdue et retrouvée
Paul Claudel vs Romain Rolland ! Tout les séparait : religion, philosophie, politique - et même la littérature. L'un était poète d'abord, créateur de ses formes d'art, l'autre romancier, sagement fidèle à l'idiome reçu de ses pères. Et pourtant... après un demi-siècle d'éloignement et de mutuelle incompréhension, ils se rencontrent ; avec une heureuse surprise ils se découvrent très proches, voire fraternellement unis dans leur vision des êtres et des choses. Une seule faille subsiste, irréductible : l'un et l'autre sont pénétrés d'esprit religieux ; tous deux fréquentent la Bible et les Pères de l'Eglise ; mais, en dépit des efforts infatigables de Paul. Romain reste " sur le seuil de la dernière porte " : celle de l'accès aux sacrements. Cependant, cet ultime point d'achoppement, loin d'entraver leur dialogue, le nourrit davantage d'étape en étape. L'artisan de cette reconnaissance miraculeuse ne fut autre que Marie, alias " Macha ", la seconde épouse de Romain Rolland. Celui-ci l'atteste au printemps 1940 : " Macha a établi le pont entre deux abîmes ". Les témoignages ici publiés (pour la plupart inédits) abordent - outre le débat théologique - trois domaines privilégiés : la musique, à commencer par celle de Beethoven ; l'art littéraire et ses interprètes, anciens et modernes ; l'univers et les idées politiques. Mais les pages les plus piquantes sont réservées aux portraits que Romain Rolland peint à loisir de l'ami retrouvé : l'admiration de son génie n'entame en rien la lucidité du regard porté sur l'homme. Marie Romain Rolland avait elle-même conçu le projet d'un mémorial en forme de " Cahier ". Le temps de sa mise en œuvre lui manquant, elle remit à l'un des deux cosignataires du présent volume les documents assemblés par ses soins, le priant de nouer la gerbe en son nom. Voici - avec un retard trop long - son ultime prière exaucée.