L'éternité de l'instant
Jusqu’à ce roman, Zoé Valdès n’avait jamais évoqué ses origines chinoises, peut-être parce qu’à Cuba, une superstition veut qu’avoir des Chinois dans ses ancêtres porte malheur… Ici, elle part à la recherche de cet arrière-grand-père qui quitta la Chine pour, paraît-il, retrouver un cousin émigré qui n’avait pas donné de nouvelles depuis des années, puis nous mène à la rencontre de ce grand-père tombé dans un mutisme total à la suite d’un désespoir amoureux.
Entre souvenirs et légende dorée, elle raconte d’abord l’odyssée imaginaire de l’arrière-grand-père, qui serait né d’une rencontre passionnée entre une femme du peuple et un riche chanteur d’opéra également poète, érudit, calligraphe… Cet arrière-grand-père qui avait prétendument choisi de traverser les mers pour explorer Cuba, sur les traces d’un parent déjà installé – pieux récit qui masque la dure réalité de l’exil pour tous les misérables qui quittèrent l’Asie dans l’espoir d’une vie (un peu) meilleure.
Ensuite, elle s’attache à la figure du grand-père muet, qui décida de ne plus jamais parler lorsque l’actrice chinoise dont il était follement amoureux ne tint pas sa promesse, ne venant pas le rejoindre à la fin d’une tournée à l’étranger : une histoire tout aussi pathétique, que Zoé Valdès conte à sa manière, en redonnant à cet homme, par la grâce de la fiction, une présence et une dignité qu’il avait perdues dans la vie réelle.
Chronique familiale illustrée de photographies tirées des albums de la famille Valdès, L’éternité de l’instant est aussi une réflexion sur le déracinement, les raisons du départ, et l’impossibilité des exilés à dire la vérité sur leur situation à ceux qui sont restés au pays.