Inyenzi ou les Cafards
Quiconque visite le Rwanda est saisi par la beauté de son paysage, mais il est aussi effaré par la violence de son histoire postcoloniale. Tout se passe comme si le bien et le mal irrémédiablement inséparables avaient scellé sous ses mille et une collines un pacte d'amitié. Il y a d'un côté les collines ; il y a, de l'autre, le million de crânes qui les jonchent. Mais ce qui prédomine, dans ce récit, c'est le remords des survivants, qui se traduit par les multiples cauchemars de l'auteur. D'où ce désir manifeste de donner aux disparus une digne sépulture de mots à la fois pour apaiser les vivants et sanctifier les morts. Avec Inyenzi, Scholastique Mukasonga a écrit un récit autobiographique précieux, un document qui nous éclaire de l'intérieur sur le Rwanda postcolonial, un livre que je rangerais à côté du Suicide d'une république de Peter Gay : l'un et l'autre nous montrent à partir d'une succession de faits pourquoi le génocide était hélas, trois fois hélas, inévitable.